« C’était un petit cheval blanc … »
Dans un arrêt récent rendu le 8 juin 2017, sur pourvoi à l’encontre de l’arrêt de renvoi de la Cour d’appel de Bordeaux en date du 5 mai 2015, la Cour de cassation ( Chambre commerciale), dans une éniéme affaire « Cheval blanc », a clairement posé les règles en matière de prescription d’une action en nullité fondée sur le caractère déceptif d’une marque.
En l’espèce la « société Cheval blanc », titulaire d’une marque semi- figurative cheval blanc, déposée le 9 juin 1933, reprochait à la Cour de Bordeaux de déclarer comme prescrite sa demande d’annulation de la marque verbale « domaine de cheval blanc » déposée le 18 juillet 1973, par la société « x ….de cheval blanc » sur le fondement de la déceptivité de marque. Les deux marques désignaient des « vins ».
Après avoir rappelé le principe établi, selon lequel « un signe qui est intrinsèquement de nature à tromper le public sur les caractéristiques d’un produit ou d’un service » ne peut bénéficier de la protection par le droit des marques, la Cour de cassation a déclaré que « le vice de déceptivité ne peut être purgé ni par le temps, ni par l’usage ».
La Cour d’appel de Bordeaux avait jugé qu’aucune action en nullité de la marque « Domaine de cheval blanc » ne pouvait être intentée plus de trente ans après le dépôt de celle-ci (point de départ, d’après elle, de ce délai).
Or, la Cour de cassation a considéré que cette dernière a violé les articles 2262 ancien du code civil ainsi que l’article L 711- 3 du code de la propriété intellectuelle.
En effet, elle pose le principe selon lequel « le vice de déceptivité doit pouvoir être invoqué par les tiers, à tout moment , tant que le titulaire de la marque maintient son enregistrement en vigueur » et « que ce vice de déceptivité correspond à une situation qui perdure tant que l’enregistrement de la marque produit ses effets ».
L’article 2224 du code civil énonce que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent (…)à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
Ainsi, la Cour de cassation indique « qu’aucun délai de prescription ne peut courir à compter du simple dépôt du signe, lequel n’est pas de nature à porter à la connaissance des tiers l’existence de la marque ».
C’est une exception au principe général de la prescription trentenaire des actions civiles telle qu’elle est énoncée dans l’ancien article 2262 du code civil ( voire même de la prescription de cinq ans prévue par l’article 2224 précité), et offre ainsi aux titulaires de marque une solution de rattrapage beaucoup plus pérenne, pour mettre un terme judiciaire à une atteinte portée à leur droit de marque. C’est une porte de sortie !
Elle permet ainsi de suppléer à la prescription en matière de contrefaçon de marque, qui elle se prescrit pour 5 ans à la condition d’avoir toléré l’usage d’une marque postérieure enregistrée (sauf cas de dépôt de mauvaise foi).
Par ailleurs, dans cet arrêt la Cour rappelle la différence de fonction entre une marque et une dénomination sociale : « Alors que la contrefaçon par imitation de marque exige, pour être valablement constituée, que la reprise du signe protégé ait pour objet de désigner un produit ou un service ; que tel n’est pas le cas lorsque le signe protégé est utilisé dans une simple dénomination sociale dont l’objectif est uniquement d’identifier une entreprise, et non un produit ou un service ».
Elle en déduit à juste titre que la reprise de l’expression CHEVAL BLANC dans la dénomination sociale de la société « X…de Cheval blanc » ne constitue pas un acte de contrefaçon par imitation de la marque antérieure semi figurative « Cheval blanc » du 9 juin 1933 ; puisque cette reprise n’avait pas pour objet de désigner un produit ou un service.
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