Le dépôt et l’enregistrement des marques olfactives

 

Les directives 89/104/CEE et 2008/95/CE sur le rapprochement des législations des Etats membres sur les marques, prévoient en théorie le dépôt et l’enregistrement des marques olfactives.

La directive 2008/95/CE présente une marque comme « tout signe susceptible d’une « représentation graphique notamment les mots, les noms d’une personne, les dessins, les chiffres, lettres… », la présence de l’adverbe notamment conférant à cette liste un caractère non exhaustif.

L’exigence de représentation graphique est rendue nécessaire, car le signe déposé doit être opposable aux tiers et ceux-ci doivent être en mesure d’apprécier l’étendue du monopole conféré sur le signe.

 

 

Or comment une marque olfactive peut-elle remplir l’exigence ce cette « représentation graphique » puisque, par définition il s’agit de fragrances intangibles ?

 

 

Une simple description de l’odeur procurée serait-elle suffisante ? C’est ce qu’avait admis l’EUIPO ((anciennement OHMI) en admettant l’enregistrement de la marque de l’Union Européenne de « l’odeur de l’herbe fraîchement coupée » pour des balles de tennis.

Or une telle description de cette odeur est forcément empreint de subjectivité et ne remplit pas la condition d’objectivité stricte permettant d’apprécier la portée exacte de la protection accordée.

La CJUE (Arrêt Sieckman) a alors, suite à des questions préjudicielles, affirmé que si des marques olfactives pouvaient être enregistrées dans le cadre de la directive, encore faut-il qu’elles soient susceptibles d’une « représentation graphique claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective » ce qui fait beaucoup de conditions cumulatives.

Certains de ceux-ci ainsi sont difficiles à mettre en œuvre. Une fragrance très spéciale à la composition spécifique, ne pourra être « intelligible » que par des nez par exemple.

En l’espèce, la CJUE avait écarté individuellement et collectivement, sur la base de tous ces critères, les différentes solutions proposées par M Sieckman pour définir sa marque et l’étendue des droits qui lui étaient attachés, à savoir : nom de la substance chimique de la senteur dont il souhaitait obtenir une protection, un échantillon de celle-ci, sa formule chimique et une description, ses éléments ne remplissant pas les critères de la représentation graphique, tels que définis ci-dessus.

Si ces éléments ne suffisent pas, c’est un peu décourageant car comment alors solliciter une protection à titre de marque olfactive ?

C’est vraisemblablement une des raisons pour lesquelles l’exigence « de représentation graphique a disparu du « paquet marque ».

Elle est substituée par l’exigence d’une représentation qui permet au public de déterminer précisément et clairement l’objet bénéficiant de la protection accordée au titulaire.

 

Ce n’est pas plus limpide et laisse la porte ouverte à pas mal d’interprétation !

Comment apprécier la distinctivité en l’absence de représentation graphique ? Quid de l’appréciation du caractère contrefaisant de telles marques ? Comment faire opposition à l’encontre de telles demandes de marques ? Faudra-t-il faire appel à un expert (nez) ? Quelles seront les conditions de conservations de telles marques, dans la mesure où les offices sont habitués à conserver sous forme papier des marques plus conventionnelles et qui respectent encore l’exigence d’une représentation graphique ?

Faut-il simplifier les procédures de telles marques en acceptant une simple description de l’odeur ou de la fragrance avec un échantillon de celle-ci ?

Devra-t-on faire appel à des technologies plus avancées (chromatographie gazeuse) par exemple ?

Au moment d’envisager le dépôt d’une marque olfactive il serait peut être judicieux de combiner plusieurs techniques d’identification de l’odeur en indiquant : le nom de l’odeur, le nom de sa substance chimique, un échantillon (mais quid de sa conservation et dépôt de celui-ci), liés aux résultats chromatographiques.

 

Sébastien Lepère