La technologie CRIPSR-CAS9 est aujourd’hui une des technologies d’éditions de gènes les plus répandues. Le mécanisme CRISPR (acronyme pour « Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ») résulte, à l’origine d’un mécanisme de défense utilisé par des bactéries. C’est la technologie d’édition de gènes la plus remarquable de ces dernières années.
Rappelons que la propriété intellectuelle sur cette technologie révolutionnaire dépend initialement de deux institutions. Tout d‘abord, suite aux travaux de recherches de Jennifer DOUDNA et Emmanuelle CHARPENTIER (2012), l’Université de Californie et de Vienne ont déposées un ensemble de brevets de large portée concernant l’utilisation du système CRISPR-CAS9 pour effectuer une modification génétique ciblée. En parallèle, le Broad Institute (émanation de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology) a déposé des titres aux US et en Europe. Les brevets correspondants concernent l’utilisation de CRISPR/CAS9 sur des cellules de types eucaryotes (cellules pouvant être animales ou végétales).
Deux décisions récentes viennent préciser les contours de la protection de la technologie CRISPR-Cas9 en Europe.
La première concerne le brevet d’application EP 2 280 081 B1 de l’Université de Californie. Dans le cadre d’une procédure d’opposition initiée en février 2018, ce brevet a finalement été maintenu le 7 février 2020 à l’issu de 3 jours de procédure orale sur la base d’un jeu de revendications modifié. Cette décision entérine la propriété de l’Université de Californie sur la méthode générale d’utilisation de la technologie CRIPR-Cas9. Elle peut toutefois faire l’objet d’un recours et nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détails prochainement
La deuxième décision, rendue le 16 janvier 2020, concerne le brevet EP2771468 du Broad Institute. Dans cette affaire, la chambre de recours de l’OEB a confirmé la décision de nullité du brevet rendue en janvier 2018 par la division d’opposition. La question portait sur la validité du droit de priorité.
En effet, après un premier dépôt aux US, permettant de bénéficier d’un délai de priorité pour effectuer d’autres dépôts à l’étranger, une demande de brevet internationale dite « PCT » avait été déposée. Cependant, cette demande PCT ne désignait pas les mêmes déposants que ceux de la demande prioritaire. Certaines personnes apparaissaient en tant que déposants dans la demande prioritaire américaine mais pas dans la demande PCT, sans pour autant avoir cédé leur droit de priorité avant la date de dépôt PCT.
La division d’opposition avait invalidé, en janvier 2018, le droit de priorité de la demande de brevet européen issue du PCT. En conséquence de quoi, la technologie n’apparaissait plus comme nouvelle au regard de certains documents antérieurs publiés après la date de priorité mais avant la date de dépôt de la demande PCT. A l’issu de 5 jours de procédure orale devant la chambre de recours, la révocation du brevet EP2771468 a donc bien été confirmée pour défaut de nouveauté au regard des antériorités « nouvellement » pertinentes.
Cette affaire nous rappelle que la cohérence entre la titularité des droits d’une première Demande et celle d’une Demande ultérieure revendiquant la priorité de la première doit être vérifiée avant le dépôt afin de prévoir les cessions éventuelles. Comme on le voit ici, ce point peut avoir pour conséquence jusqu’à la perte totale du droit.
Ainsi, il est important de ne pas négliger les formalités liées à la revendication de priorité et de garder en tête que le droit ne s’applique pas de manière homogène dans les différents pays. En effet, aux US, cette situation n’entache pas le droit de priorité.
Elsa MARTIN TOUAUX & Tiphaine SOHIER