Protéger sa marque est une chose, mais encore faut-il en faire usage et conserver toutes les preuves d’exploitation.

Le préjudice pour défaut d’exploitation n’épargne personne ; même pas les déposants les plus aguerris.

Voici pour exemple la décision suivante où Mary Poppins n’avait certainement pas pu faire apparaître de son sac de telles preuves, fait d’autant plus opportun puisqu’il s’agissait de produits de la classe 18 !

Le 20 juin 2017, une demande de marque figurative est déposée auprès de l’EUIPO (l’office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle), pour des produits de la classe 18 (sacs, valises, trousses…).

DISNEY ENTERPRISES INC forme une opposition à l’encontre de cette demande de marque, sur la base de sa marque de l’Union européenne MARY POPPINS protégée dans de nombreuses classes dont la classe 18 (malles, valises, cuir et imitations de cuir…).

Après plusieurs recours, l’affaire est renvoyée devant la division d’opposition, qui a rendu sa décision le 28 février 2022.

Le point majeur en l’espèce était celui de savoir si DISNEY ENTERPRISES INC pouvait prouver que sa marque MARY POPPINS avait fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne. Rappelons en effet qu’une marque doit faire l’objet d’un usage sérieux pour les produits/services pour lesquels elle est enregistrée, et devient vulnérable si elle a été enregistrée il y a plus de 5 ans.

De nombreuses pièces ont été transmises par DISNEY ENTERPRISES INC afin de tenter de prouver l’usage sérieux de sa marque MARY POPPINS pour les produits/services invoqués.

Cependant, l’EUIPO a considéré que la grande majorité de ces pièces faisaient référence à l’usage de la marque MARY POPPINS pour des « représentations musicales », services protégés en classe 41 (divertissement). Les éléments de preuve produits n’ont pas démontré à l’EUIPO un usage sérieux de la marque MARY POPPINS pour les autres produits et services invoqués dans le cadre de l’opposition.

De ce fait, l’EUIPO n’a pris en considération dans son examen que les services dont l’usage a été reconnu (représentations musicales) afin de juger s’il existait ou non un risque de confusion entre les marques MARY POPPINS et .

Évidemment, les représentations musicales (classe 41) et les produits de maroquinerie (classe 18) sont parfaitement différents, ce qu’a indiqué l’EUIPO dans son appréciation.

DISNEY ENTERPRISES INC avait également invoqué la renommée de sa marque MARY POPPINS. En effet, la renommée permet de bénéficier d’une protection des marques en dehors des produits & services qu’elles désignent (la renommée est notamment démontrée si le public pertinent peut établir un lien entre les signes en question, alors que les produits/services en cause ne sont pas similaires).  


Cependant, l’EUIPO a indiqué qu’une partie substantielle des éléments de preuves invoqués pour établir la potentielle renommée faisait référence au territoire du Royaume-Uni, qui ne fait plus partie de l’Union européenne. De ce fait, la renommée de la marque MARY POPPINS n’a pas été reconnue par l’EUIPO.

L’opposition diligentée par DISNEY ENTERPRISES INC a donc été rejetée. Selon la division d’opposition, la marque  peut être enregistrée pour les produits désignés en classe 18.

Cette décision rappelle une nouvelle fois l’importance de se constituer un dossier de preuves d’usage de sa marque, et ce pour tous les produits & services qu’elle désigne, au risque de ne plus pouvoir se défendre face à des marques postérieures. Ce qui n’est pas une tâche facile pour les marques reprenant des personnages.

Le cabinet IP TRUST est à votre entière disposition pour vous accompagner.

Emeline GELIN & Sébastien LEPERE